lever au-deſſus de ſon ſemblable ? En faut-il
d’autre à celui qui oblige ? Et ſi l’obligation,
en humiliant celui qui reçoit, devient un fardeau
pour lui, de quel droit le contraindre à le garder ?
Pourquoi faut-il que je conſente à me laiſſer
humilier chaque fois que me frappent les
regards de celui qui m’a obligé ? L’ingratitude,
au lieu d’être un vice, eſt donc la vertu des
ames fieres, auſſi certainement que la reconnaiſſance
n’eſt que celle des ames faibles : qu’on
m’oblige tant qu’on voudra, ſi l’on y trouve une
jouiſſance, mais qu’on n’exige rien pour avoir
joui.
À ces mots, auxquels Roland ne me donna pas le temps de répondre, deux valets me ſaiſiſſent par ſes ordres, me dépouillent, & m’enchaînent avec mes compagnes, que je ſuis obligée d’aider tout de ſuite, ſans qu’on me permette ſeulement de me repoſer de la marche fatigante que je viens de faire. Roland m’approche alors, il me manie brutalement ſur toutes les parties que la pudeur défend de nommer, m’accable de ſarcaſmes & d’impertinences relativement à la marque flétriſſante & peu méritée que Rodin avoit empreinte ſur moi, puis s’armant d’un nerf de bœuf toujours là, il m’en applique vingt coups ſur le derriere. — Voilà comme tu ſeras traitée, coquine, me dit-il, lorſque tu manqueras à ton devoir ; je ne te fais pas ceci pour aucune faute