Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/372

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 76 )


Roland avait ſa propre ſœur pour maîtreſſe, & c’était avec elle qu’il achevait d’éteindre les paſſions qu’il venait allumer près de nous.

Il était preſque nud quand il entra ; ſon viſage très-enflammé portait à-la-fois des preuves de l’intempérance de table où il venait de ſe livrer, & de l’abominable luxure qui le dévorait ; il me conſidere un inſtant avec des yeux qui me font frémir. — Quitte ces vêtemens, me dit-il, en arrachant lui-même ceux que j’avais repris pour me couvrir pendant la nuit… oui, quitte tout cela & ſuis-moi ; je t’ai fait ſentir tantôt ce que tu riſquerais en te livrant à la pareſſe ; mais s’il te prenait envie de nous trahir, comme le crime ſerait bien plus grand, il faudrait que la punition s’y proportionnât ; viens donc voir de quelle eſpece elle ſerait. J’étais dans un état difficile à peindre, mais Roland ne donnant point à mon ame le temps d’éclater, me ſaiſit auſſitôt par le bras, & m’entraîne ; il me conduiſait de la main droite, de la gauche il tenait une petite lanterne dont nous étions faiblement éclairés ; après pluſieurs détours nous nous trouvons à la porte d’une cave ; il l’ouvre, & me faiſant paſſer la premiere, il me dit de deſcendre pendant qu’il referme cette premiere clôture ; j’obéis : à cent marches nous en trouvons une ſeconde qui s’ouvre & ſe referme de la même maniere ; mais après celle-ci il n’y avait plus d’eſcalier, c’était