Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/378

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reſpiration & m’envoyer en l’autre monde, dans le plus ou le moins de temps qu’il lui plaira.

Ce tourment eſt plus doux que tu ne penſes, Théreſe, me dit Roland ; tu ne ſentiras la mort que par d’inexprimables ſenſations de plaiſir ; la compreſſion que cette corde opérera ſur la maſſe de tes nerfs va mettre en feu les organes de la volupté ; c’eſt un effet certain ; ſi tous les gens condamnés à ce ſupplice ſavaient dans quelle ivreſſe il fait mourir, moins effrayés de cette punition de leurs crimes, ils les commettraient plus ſouvent & avec bien plus d’aſſurance ; cette délicieuſe opération, Théreſe, comprimant de même le local où je vais me placer (ajoute-t-il en ſe préſentant à une route criminelle, ſi digne d’un tel ſcélérat) va doubler auſſi mes plaiſirs. Mais c’eſt envain qu’il cherche à la frayer ; il a beau préparer les voies, trop monſtrueuſement proportionné pour réuſſir, ſes entrepriſes ſont toujours repouſſées ; c’eſt alors que ſa fureur n’a plus de bornes ; ſes ongles, ſes mains, ſes pieds ſervent à le venger des réſiſtances que lui oppoſe la Nature : il ſe préſente de nouveau, le glaive en feu gliſſe aux bords du canal voiſin, & de la vigueur de la ſecouſſe y pénétre de près de moitié ; je jette un cri ; Roland furieux de l’erreur ſe retire avec rage, & pour cette fois frappe l’autre porte avec tant de vigueur, que le dard humecté s’y plonge en me déchirant. Ro-