Il ne faut pas s’imaginer que ce ſoit la beauté d’une femme qui irrite le mieux l’eſprit d’un libertin, c’eſt bien plutôt l’eſpece de crime qu’ont attaché les loix à ſa poſſeſſion : la preuve en eſt que plus cette poſſeſſion eſt criminelle & plus on en eſt enflammé ; l’homme qui jouit d’une femme qu’il dérobe à ſon mari, d’une fille qu’il enleve à ſes parens, eſt bien plus délecté ſans doute, que le mari qui ne jouit que de ſa femme, & plus les liens qu’on briſe paraiſſent reſpectables, plus la volupté s’agrandit. Si c’eſt ſa mere, ſi c’eſt ſa ſœur, ſi c’eſt ſa fille, nouveaux attraits aux plaiſirs éprouvés ; a-t-on goûté tout cela, on voudroit que les digues s’accruſſent encore pour donner plus de peines & plus de charmes à les franchir : or, ſi le crime aſſaiſonne une jouiſſance, détaché de cette jouiſſance, il peut donc en être une lui-même ; il y aura donc alors une jouiſſance certaine dans le crime ſeul ? Car il eſt impoſſible que ce qui prête du ſel, n’en ſoit pas très-pourvu ſoi-même. Ainſi, je le ſuppoſe, le rapt d’une fille pour ſon propre compte donnera un plaiſir très-vif, mais le rapt pour le compte d’un autre donnera tout le plaiſir dont la jouiſſance de cette fille ſe trouvait améliorée par le rapt ; le rapt d’une montre, d’une bourſe en donneront également, & ſi j’ai accoutumé mes ſens à ſe trouver émus de quelque volupté au rapt d’une fille, en tant que rapt, ce même plaiſir, cette même volupté ſe retrouvera au rapt