Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/427

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quiétude, je n’ai pas dit le moindre mot qui puiſſe vous compromettre. — Mais ne t’es-tu pas oppoſée au crime que je méditais ? ne l’as-tu pas empêché, indigne créature ! Il faut que tu en ſois punie… & comme nous entrions, elle n’eut pas le temps d’en dire davantage. L’appartement où l’on me faiſait paſſer était auſſi ſomptueux que magnifiquement éclairé ; au fond, ſur une ottomane, était un homme en robe de chambre de taffetas flottante, d’environ quarante ans, & que je vous peindrai bientôt. — Monſeigneur, dit la Dubois en me préſentant à lui, voilà la jeune perſonne que vous avez voulue, celle à laquelle tout Grenoble s’intéreſſe… la célebre Théreſe en un mot, condamnée à être pendue avec des faux-monnoyeurs ; & depuis délivrée à cauſe de ſon innocence & de ſa vertu. Reconnaiſſez mon adreſſe à vous ſervir, Monſeigneur ; vous me témoignates, il y a quatre jours l’extrême déſir que vous aviez de l’immoler à vos paſſions ; & je vous la livre aujourd’hui ; peut-être la préférerez-vous à cette jolie penſionnaire du couvent des Bénédictines de Lyon, que vous avez déſirée de même, & qui va nous arriver dans l’inſtant : cette derniere a ſa vertu phyſique & morale, celle-ci n’a que celle des ſentimens ; mais elle fait partie de ſon exiſtence, & vous ne trouverez nulle part une créature plus remplie de candeur & d’honnêteté. Elles ſont l’une & l’autre à vous,

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