Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/428

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Monſeigneur : ou vous les expédierez toutes deux ce ſoir, ou l’une aujourd’hui, l’autre demain. Pour moi, je vous quitte : les bontés que vous avez pour moi m’ont engagée à vous faire part de mon aventure de Grenoble. Un homme mort, Monſeigneur, un homme mort, je me ſauve. — Eh ! non ; non, femme charmante, s’écria le maître du lieu, non, reſte, & ne crains rien quand je te protege : tu es l’ame de mes plaiſirs ; toi ſeule poſſedes l’art de les exciter & de les ſatisfaire, & plus tu redoubles tes crimes, plus ma tête s’échauffe pour toi… Mais elle eſt jolie cette Théreſe… & s’adreſſant à moi : — quel age avez-vous, mon enfant ? — Vingt-ſix ans, Monſeigneur, répondis-je, & beaucoup de chagrins. — Oui, des chagrins, des malheurs ; je ſais tout cela, c’eſt ce qui m’amuſe, c’eſt ce que j’ai voulu ; nous allons y mettre ordre, nous allons terminer tous vos revers ; je vous réponds que dans vingt-quatre heures vous ne ſerez plus malheureuſe… Et avec d’affreux éclats de rire… — n’eſt-il pas vrai, Dubois, que j’ai un moyen ſûr pour terminer les malheurs d’une jeune fille ? — Aſſurément, dit cette odieuſe créature ; & ſi Théreſe n’était pas de mes amies, je ne vous l’aurais pas amenée ; mais il eſt juſte que je la récompenſe de ce qu’elle a fait pour moi. Vous n’imagineriez jamais, Monſeigneur, combien cette chere créature m’a été utile dans ma derniere entrepriſe de Grenoble ; vous avez bien