vous pouvez faire arrêter la Dubois, lui-dis-je,
elle n’eſt pas loin d’ici, peut-être me ſera-t-il poſſible
d’indiquer le chemin… La malheureuſe indépendamment
de tous ſes crimes, elle m’a pris encore,
& mes hardes & les cinq louis que vous m’avez
donnés. — Ô Théreſe, me dit Valbois, vous
êtes aſſurément la fille la plus infortunée qu’il y
ait au monde, mais vous le voyez pourtant, honnête
créature, au milieu des maux qui vous accablent,
une main céleſte vous conſerve ; que ce ſoit
pour vous un motif de plus d’être toujours vertueuſe,
jamais les bonnes actions ne ſont ſans
récompenſe. Nous ne pourſuivrons point la Dubois,
mes raiſons de la laiſſer en paix ſont les
mêmes que celles que je vous expoſais hier, réparons
ſeulement les maux qu’elle vous a faits, voilà
d’abord l’argent qu’elle vous a pris. Une heure
après une couturiere m’apporta deux vêtemens
complets & du linge ; … mais il faut partir, Théreſe,
me dit Valbois, il faut partir dans cette
journée même, la Bertrand y compte, je l’ai engagée
à retarder de quelques heures pour vous, rejoignez-là…
Ô vertueux jeune homme, m’écriai-je
en tombant dans les bras de mon bienfaiteur,
puiſſe le Ciel vous rendre un jour tous les biens
que vous me faites. — Allez, Théreſe, me répondit
Valbois en m’embraſſant, le bonheur que
vous me ſouhaitez… j’en jouis déjà, puiſque
le vôtre eſt mon ouvrage… Adieu.
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