Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/438

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le fracas des murs qui s’écroulent, le bruit des charpentes qui ſe briſent, & les hurlemens épouvantables de ceux qui tombent dans les flammes ; entourées de ces flammes dévorantes, nous ne ſavons déjà plus où fuir ; pour échapper à leur violence nous nous précipitons dans leur foyer, & nous nous trouvons bientôt confondues dans la foule des malheureux qui cherchent, comme nous, leur ſalut dans la fuite ; je me ſouviens alors que ma conductrice, plus occupée d’elle que de ſa fille, n’a pas ſongé à la garantir de la mort ; ſans l’en prévenir, je vole dans notre chambre au travers des flammes qui m’atteignent & me brûlent en pluſieurs endroits ; je ſaiſis la pauvre petite créature ; je m’élance pour la rapporter à ſa mere, m’appuyant ſur une poutre à moitié conſumée : le pied me manque, mon premier mouvement eſt de mettre mes mains au-devant de moi ; cette impulſion de la Nature me force à lâcher le précieux fardeau que je tiens… Il m’échappe, & la malheureuſe enfant tombe dans le feu ſous les yeux de ſa mere ; en cet inſtant je ſuis ſaiſie moi-même… on m’entraîne ; trop émue pour rien diſtinguer, j’ignore ſi ce ſont des ſecours ou des périls qui m’environnent ; mais je ne ſuis pour mon malheur que trop tôt éclaircie, lorſque jettée dans une chaiſe de poſte, je m’y trouve à côté de la Dubois qui me mettant un piſtolet ſur la tempe, me menace de