Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/439

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me brûler la cervelle ſi je prononce un mot… — Ah ! ſcélérate, me dit-elle, je te tiens pour le coup, & cette fois tu ne m’échapperas plus. — Oh ! Madame, vous ici, m’écriai-je ! — Tout ce qui vient de ſe paſſer eſt mon ouvrage, me répondit ce monſtre ; c’eſt par un incendie que je t’ai ſauvé le jour ; c’eſt par un incendie que tu vas le perdre ; je t’aurais pourſuivie juſqu’aux enfers, s’il l’eût fallu pour te r’avoir. Monſeigneur devint furieux quand il apprit ton évaſion ; j’ai deux cents louis par fille que je lui procure, & non-ſeulement il ne voulut pas me payer Eulalie, mais il me menaça de toute ſa colere ſi je ne te ramenais pas. Je t’ai découverte, je t’ai manquée de deux heures à Lyon ; hier j’arrivai à Villefranche une heure après toi, j’ai mis le feu à l’auberge par le moyen des ſatellites que j’ai toujours à mes gages, je voulais te brûler ou t’avoir ; je t’ai, je te reconduis dans une maiſon que ta fuite a précipitée dans le trouble & dans l’inquiétude, & t’y ramene, Théreſe, pour y être traitée d’une cruelle maniere. Monſeigneur a juré qu’il n’aurait pas de ſupplices aſſez effrayans pour toi, & nous ne deſcendons pas de la voiture que nous ne ſoyions chez lui. Eh bien, Théreſe, que penſes-tu maintenant de la Vertu ? — Oh Madame ! qu’elle eſt bien ſouvent la proie du crime ; qu’elle eſt heureuſe quand elle triomphe ; mais qu’elle doit être l’unique objet des récompenſes