qu’on eût pu leur rendre, eût été d’égorger ſur-le-champ
le premier impoſteur qui s’aviſa de leur
parler d’un Dieu. Que de ſang un ſeul meurtre
eût épargné dans l’Univers ! Va, va, Théreſe, la
Nature toujours agiſſante, toujours active n’a nullement
beſoin d’un maître pour la diriger. Et ſi
ce maître exiſtait effectivement, après tous les
défauts dont il a rempli ſes œuvres, mériterait-il
de nous autre choſe que des mépris & des outrages ?
Ah ! s’il exiſte ton Dieu, que je le hais ! Théreſe,
que je l’abhorre ! Oui, ſi cette exiſtence
était vraie, je l’avoue, le ſeul plaiſir d’irriter perpétuellement
celui qui en ſerait revêtu, deviendrait
le plus précieux dédommagement de la néceſſité
où je me trouverais alors d’ajouter quelque
croyance en lui… Encore une fois, Théreſe,
veux-tu devenir ma complice ? Un coup ſuperbe ſe
préſente, nous l’exécuterons avec du courage ;
je te ſauve la vie ſi tu l’entreprends. Le Seigneur
chez qui nous allons, & que tu connaîs, s’iſole
dans la maiſon de campagne où il fait ſes parties ;
le genre dont tu vois qu’elles ſont, l’exige ;
un ſeul valet l’habite avec lui, quand il y va pour
ſes plaiſirs : l’homme qui court devant cette chaiſe,
toi & moi, chere fille, nous voilà trois contre deux ;
quand ce libertin ſera dans le feu de ſes voluptés,
je me ſaiſirai du ſabre dont il tranche la vie
de ſes victimes, tu le tiendras, nous le tuerons,
& mon homme pendant ce temps-là aſſommera
Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/441
Apparence
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 145 )
Tome II.
K