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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/442

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ſon valet. Il y a de l’argent caché dans cette maiſon ; plus de huit cens mille francs, Théreſe, j’en ſuis ſûre, le coup en vaut la peine… Choiſis, ſage créature, choiſis, la mort, ou me ſervir ; ſi tu me trahis, ſi tu lui fais part de mon projet, je t’accuſerai ſeule, & ne doutes pas que je ne l’emporte par la confiance qu’il eut toujours en moi… Réfléchis bien avant que de me répondre, cet homme eſt un ſcélérat, donc en l’aſſaſſinant lui-même, nous ne faiſons qu’aider aux loix deſquelles il a mérité la rigueur. Il n’y a pas de jour, Théreſe, où ce coquin n’aſſaſſine une fille, eſt-ce donc outrager la Vertu, que de punir le Crime ? Et la propoſition raiſonnable que je te fais, alarmera-t-elle encore tes farouches principes ? — N’en doutez pas, Madame, répondis-je, ce n’eſt pas dans la vue de corriger le crime que vous me propoſez cette action, c’eſt dans le ſeul motif d’en commettre un vous-même : il ne peut donc y avoir qu’un très-grand mal à faire ce que vous dites, & nulle apparence de légitimité ; il y a mieux, n’euſſiez-vous même pour deſſein que de venger l’Humanité des horreurs de cet homme, vous feriez encore mal de l’entreprendre, ce ſoin ne vous regarde pas : les loix ſont faites pour punir les coupables, laiſſons-les agir, ce n’eſt pas à nos faibles mains que l’Être ſuprême a confié leur glaive ; nous ne nous en ſervirions pas ſans les outrager elles-mêmes. — Eh bien, tu mourras,