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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/444

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le payſan. La Dubois, avec une effronterie inimaginable dans une femme couverte de crimes, & qui ſe trouve arrêtée, demanda avec hauteur à ces cavaliers ſi elle était connue d’eux, & de quel droit ils en uſaient de cette maniere avec une femme de ſon rang ? — Nous n’avons pas l’honneur de vous connaître, Madame, dit l’Exempt ; mais nous ſommes certains que vous avez dans votre voiture une malheureuſe qui mit hier le feu à la principale auberge de Villefranche ; puis me conſidérant : voilà ſon ſignalement, Madame, nous ne nous trompons pas ; ayez la bonté de nous la remettre, & de nous apprendre comment une perſonne auſſi reſpectable que vous paraiſſez l’être, a pu ſe charger d’une telle femme ?

Rien que de ſimple à cet événement, répondit la Dubois plus inſolente encore, & je ne prétends ni vous le cacher, ni prendre le parti de cette fille, s’il eſt certain qu’elle ſoit coupable du crime affreux dont vous parlez. Je logeais comme elle hier à cette auberge de Villefranche, j’en partis au milieu de ce trouble, & comme je montais dans la voiture, cette fille s’élança vers moi en implorant ma compaſſion, en me diſant qu’elle venait de tout perdre dans cet incendie, qu’elle me ſuppliait de la prendre avec moi juſqu’à Lyon où elle eſpérait de ſe placer. Écoutant bien moins ma raiſon que mon cœur, j’acquieſçai à ſes demandes ; une fois dans ma chaiſe,