Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/443

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 147 )


indigne créature, reprit la Dubois en fureur, tu mourras, ne te flattes plus d’échapper à ton ſort.

— Que m’importe, répondis-je avec tranquillité, je ſerai délivrée de tous mes maux, le trépas n’a rien qui m’effraie, c’eſt le dernier ſommeil de la vie, c’eſt le repos du malheureux… Et cette bête féroce s’élançant à ces mots ſur moi, je crus qu’elle allait m’étrangler ; elle me donna pluſieurs coups dans le ſein, mais me lâcha pourtant auſſitôt que je criai, dans la crainte que le poſtillon ne m’entendît.

Cependant nous avancions fort vîte ; l’homme qui courait devant faiſait préparer nos chevaux, & nous n’arrêtions à aucune poſte. À l’inſtant des relais, la Dubois reprenait ſon arme, & me la tenait contre le cœur… Qu’entreprendre ?… En vérité ma faibleſſe & ma ſituation m’abattaient au point de préférer la mort aux peines de m’en garantir.

Nous étions prêtes d’entrer dans le Dauphiné, lorsque ſix hommes à cheval, galopant à toute bride derriere notre voiture, l’atteignirent & forcerent, le ſabre à la main, notre poſtillon à s’arrêter. Il y avait à trente pas du chemin une chaumiere où ces cavaliers que nous reconnûmes bientôt pour être de la maréchauſſée, ordonnent au poſtillon d’amener la voiture : quand elle y eſt, ils nous font deſcendre, & nous entrons tous chez

K 2