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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/452

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heureuſe paille qui me ſert de lit ; je veux crier, il enfonce de rage un mouchoir dans ma bouche ; il attache mes bras : maître de moi, l’infâme m’examine par-tout… tout devient la proie de ſes regards, de ſes attouchemens & de ſes perfides careſſes ; il aſſouvit enfin ſes déſirs.

Écoutez, me dit-il en me détachant & ſe rajuſtant lui-même, vous ne voulez pas que je vous ſois utile, à la bonne-heure ; je vous laiſſe ; je ne vous ſervirai ni ne vous nuirai, mais ſi vous vous aviſez de dire un ſeul mot de ce qui vient de ſe paſſer, en vous chargeant des crimes les plus énormes, je vous ôte à l’inſtant tout moyen de pouvoir vous défendre ; réfléchiſſez bien avant que de parler. On me croit maître de votre confeſſion… vous m’entendez : il nous eſt permis de tout révéler quand il s’agit d’un criminel ; ſaiſiſſez donc bien l’eſprit de ce que je vais dire au concierge, ou j’acheve à l’inſtant de vous écraſer. Il frappe, le geolier paraît : — Monſieur, lui dit ce traître, cette bonne fille ſe trompe, elle a voulu parler d’un pere Antonin qui eſt à Bordeaux ; je ne la connais nullement, je ne l’ai même jamais vue : elle m’a prié d’entendre ſa confeſſion, je l’ai fait, je vous ſalue l’un & l’autre, & ſerai toujours prêt à me repréſenter quand on jugera mon miniſtere important.

Antonin ſort en diſant ces mots, & me laiſſe