ſurée des anciens. Si vous appelez cela être honnête,
apprenez-moi donc ce qu’il faut pour ne
l’être pas ? — Juſte Ciel ! Monſieur, répondis-je,
pouvez-vous me reprocher l’époque de ma vie
où je vous ai connu, & ne ſerait-ce pas bien
plutôt à moi de vous en faire rougir ? J’étais de
force, vous le ſavez, Monſieur, parmi les bandits
qui vous arrêterent ; ils voulaient vous arracher
la vie, je vous la ſauvai, en facilitant votre
évaſion, en nous échappant tous les deux ; que
fîtes-vous, homme cruel, pour me rendre graces
de ce ſervice ? eſt-il poſſible que vous puiſſiez vous
le rappeler ſans horreur ? Vous voulûtes m’aſſaſſiner
moi-même vous m’étourdîtes par des coups
affreux, & profitant de l’état où vous m’aviez
miſe, vous m’arrachâtes ce que j’avais de plus
cher ; par un rafinement de cruauté ſans exemple,
vous me dérobâtes le peu d’argent que je poſſédais,
comme ſi vous euſſiez déſiré que l’humiliation
& la miſere vinſſent achever d’écraſer
votre victime ! Vous avez bien réuſſi, homme barbare ;
aſſurément vos ſuccès ſont entiers ; c’eſt
vous qui m’avez plongée dans le malheur ; c’eſt
vous qui avez entr’ouvert l’abîme où je n’ai ceſſé
de tomber depuis ce malheureux inſtant.
J’oublie tout néanmoins, Monſieur, oui, tout s’efface de ma mémoire, je vous demande même pardon d’oſer vous en faire des reproches, mais pourriez-vous vous diſſimuler qu’il me ſoit dû