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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/457

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le ſecret d’une pareille interrogation, il lui ſera bien plus facile de tourner tout en votre faveur, qu’il ne le pourrait faire ici. Si cette grâce s’obtient, juſtifiez-vous quand vous le verrez, prouvez-lui votre innocence d’une maniere qui le perſuade ; c’eſt tout ce que je puis pour vous : adieu, Théreſe, tenez-vous prête à tout événement, & ſur-tout ne me faites pas faire de fauſſes démarches. Saint-Florent ſortit.

Rien n’égalait ma perplexité ; il y avait ſi peu d’accord entre les propos de cet homme, le caractere que je lui connaiſſais, & ſa conduite actuelle, que je craignis encore quelques pieges ; mais daignez me juger, Madame ; m’appartenais-il de balancer dans la cruelle poſition où j’étais ; & ne devais-je pas ſaiſir avec empreſſement tout ce qui avait l’apparence du ſecours ? Je me déterminai donc à ſuivre ceux qui viendraient me prendre : faudrait-il me proſtituer, je me défendrais de mon mieux ; eſt-ce à la mort qu’on me conduirait ? à la bonne heure, elle ne ſerait pas du moins ignominieuſe, & je ſerais débarraſſée de tous mes maux. Neuf heures ſonnent, le Geolier paraît ; je tremble. — Suivez-moi, me dit ce Cerbere ; c’eſt de la part de Meſſieurs de Saint-Florent & de Cardoville : ſongez à profiter, comme il convient, de la faveur que le Ciel vous offre ; nous en avons beaucoup ici qui déſireraient une telle grâce & qui ne l’obtiendront jamais.

  Tome II.
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