Aller au contenu

Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/482

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
( 186 )


l’aiſance. Ils la nouriſſaient avec délices des mets les plus ſucculens ; ils la couchaient dans les meilleurs lits, ils voulaient qu’elle ordonnât chez eux ; ils y mettaient enfin toute la délicateſſe qu’il était poſſible d’attendre de deux ames ſenſibles. On lui fit faire des remedes pendant quelques jours, on la baigna, on la para, on l’embellit, elle était l’idole des deux amans, c’était à qui des deux lui ferait le plutôt oublier ſes malheurs. Avec quelques ſoins un excellent chirurgien ſe chargea de faire diſparaître cette marque ignominieuſe, fruit cruel de la ſcélérateſſe de Rodin ; tout répondait aux ſoins des bienfaiteurs de Théreſe : déjà les traces de l’infortune s’effaçaient du front de cette aimable fille ; déjà les Grâces y rétabliſſaient leur empire. Aux teintes livides de ſes joues d’albâtre ſuccédaient les roſes de ſon âge, flétries par autant de chagrins. Le rire effacé de ſes levres depuis tant d’années y reparut enfin ſous l’aile des Plaiſirs. Les meilleures nouvelles venaient d’arriver de la Cour ; Monſieur de Corville avait mis toute la France en mouvement, il avait ranimé le zele de Monſieur S*** qui s’était joint à lui pour peindre les malheurs de Théreſe, & pour lui rendre une tranquillité qui lui était ſi bien dûe. Il arriva enfin des lettres du Roi qui purgeaient Théreſe de tous les procès injuſtement intentés contre elle, qui lui rendaient le titre d’honnête citoyenne, impoſaient à jamais ſilence à tous les tribunaux du royaume où l’on avait