Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/481

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une voiture s’avance ; approchez, créature trop infortunée, dit alors Monſieur de Corville à l’intéreſſante ſœur de Madame de Lorſange, approchez, tout va changer pour vous ; il ne ſera pas dit que vos vertus reſtent toujours ſans récompenſe, & que la belle ame que vous avez reçue de la Nature n’en rencontre jamais que de fer : ſuivez-nous, ce n’eſt plus que de moi que vous dépendez… Et Monſieur de Corville explique en peu de mots ce qu’il vient de faire.

Homme reſpectable & chéri, dit Madame de Lorſange en ſe précipitant aux genoux de ſon amant, voilà le plus beau trait que vous ayiez fait de vos jours, c’eſt à celui qui connaît véritablement le cœur de l’homme & l’eſprit de la loi, à venger l’innocence opprimée. La voilà, Monſieur, la voilà votre priſonniere : va, Théreſe, va, cours, vole à l’inſtant te jetter aux pieds de ce protecteur équitable qui ne t’abandonnera pas comme les autres. Ô Monſieur, ſi les liens de l’amour m’étaient chers avec vous, combien vont-ils me le devenir davantage, reſſerrés par la plus tendre eſtime… Et ces deux femmes embraſſaient tour-à-tour les genoux d’un ſi généreux ami ; & les arroſaient de leurs larmes.

On arriva en peu d’heures au château ; là, Monſieur de Corville & Madame de Lorſange s’occuperent à l’envi l’un de l’autre de faire paſſer Théreſe de l’excès du malheur au comble de