Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/84

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préſentant le bout d’un piſtolet ſous le nez, vous comprenez qu’après un tel vol nous ne pouvons pas vous laiſſer la vie. — Oh, Monſieur, m’écriai-je en me jettant aux pieds de ce ſcélérat, je vous en conjure, ne me donnez pas, à ma réception dans votre troupe, l’horrible ſpectacle de la mort de ce malheureux ; laiſſez-lui la vie, ne me refuſez point la première grâce que je vous demande ; & recourant tout-de-ſuite à une ruſe aſſez ſingulière, afin de légitimer l’intérêt que je paraiſſais prendre à cet homme : le nom que vient de ſe donner Monſieur, ajoutai-je avec chaleur, me fait croire que je lui appartiens d’aſſez près. Ne vous étonnez pas, Monſieur, pourſuivis-je en m’adreſſant au voyageur, ne ſoyez point ſurpris de trouver une parente dans cette ſituation ; je vous expliquerai tout cela. À ces titres, repris-je en implorant de nouveau notre Chef, à ces titres, Monſieur, accordez-moi la vie de ce miſérable, je reconnaîtrai cette faveur par le dévouement le plus entier à tout ce qui pourra ſervir vos intérêts. — Vous ſavez à quelles conditions je puis vous accorder la grâce que vous me demandez, Théreſe, me répondit Cœur-de-fer, vous ſavez ce que j’exige de vous… — Eh ! bien, Monſieur, je ferai tout, m’écriai-je en me précipitant entre ce malheureux & notre Chef toujours prêt à l’égorger… Oui, je ferai tout, Monſieur, je ferai tout, ſauvez-le. — Qu’il vive, dit Cœur-de-fer, mais qu’il