Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/85

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prenne parti parmi nous, cette derniere clauſe eſt indiſpenſable, je ne puis rien ſans elle, mes camarades s’y oppoſeraient.

Le négociant ſurpris, n’entendant rien à cette parenté que j’établissais, mais ſe voyant la vie ſauvée, s’il acquieſçait aux propoſitions, ne crut pas devoir balancer un moment. On le fait rafraîchir, & comme nos gens ne vouloient quitter cet endroit qu’au jour, Théreſe, me dit Cœur-de-fer, je vous ſomme de votre promeſſe, mais comme je ſuis excédé ce ſoir, repoſez tranquille près de la Dubois, je vous appellerai vers le point du jour, & la vie de ce faquin, ſi vous balancez, me vengera de votre fourberie. — Dormez, Monſieur, dormez, répondis-je, & croyez que celle que vous avez remplie de reconnaiſſance, n’a d’autre déſir que de s’acquitter. Il s’en fallait pourtant bien que ce fût là mon projet, mais ſi jamais je crus la feinte permiſe, c’était bien en cette occaſion. Nos fripons remplis d’une trop grande confiance, boivent encore & s’endorment, me laiſſant en pleine liberté, près de la Dubois qui, ivre comme le reſte, ferma bientôt également les yeux.

Saiſiſſant alors avec vivacité, le premier moment du ſommeil des ſcélérats qui nous entourent : — Monſieur, dis-je au jeune Lyonnais, la plus affreuſe cataſtrophe m’a jettée malgré moi parmi ces voleurs, je déteſte & eux & l’inſtant fatal qui m’a conduite dans leur troupe ; je n’ai vrai-

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