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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/90

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renverſant à terre d’un coup de canne ſur la tête, qui me fait tomber ſans connaiſſance…

Oh, Madame, je ne ſais plus ni ce que dit, ni ce que fit cet homme ; mais l’état dans lequel je me retrouvai, ne me laiſſa que trop connaître à quel point j’avais été ſa victime. Il était entièrement nuit quand je repris mes ſens ; j’étais au pied d’un arbre, hors de toutes les routes, froiſſée, enſanglantée… déshonorée, Madame ; telle avait été la récompenſe de tout ce que je venais de faire pour ce malheureux ; & portant l’infamie au dernier période, ce ſcélérat après avoir fait de moi tout ce qu’il avait voulu, après en avoir abuſé de toutes manières, de celle même qui outrage le plus la Nature, avait pris ma bourſe,… ce même argent que je lui avais ſi généreuſement offert. Il avait déchiré mes vêtemens, la plupart étaient en morceaux près de moi, j’étais preſque nue, & meurtrie en pluſieurs endroits de mon corps ; vous jugez de ma ſituation, au milieu des ténèbres, ſans reſſources, ſans honneur, ſans eſpoir, expoſée à tous les dangers, je voulus terminer mes jours : ſi une arme ſe fût offerte à moi, je la ſaiſiſſais, j’en abrégeais cette malheureuſe vie qui ne me préſentait que des fléaux… Le monſtre ! que lui ai-je donc fait, me diſais-je, pour avoir mérité de ſa part un auſſi cruel traitement ? Je lui ſauve la vie, je lui rends ſa fortune, il m’arrache ce que j’ai de plus cher ! Une bête