féroce eût été moins cruelle ! Ô homme, te voilà
donc quand tu n’écoutes que tes paſſions ! Des tigres
au fond des plus ſauvages déſerts auraient horreur
de tes forfaits… Quelques minutes d’abattement
ſuccéderent à ces premiers élans de ma
douleur ; mes yeux remplis de larmes ſe tournerent
machinalement vers le ciel ; mon cœur s’élance
aux pieds du Maître qui l’habite… Cette
voûte pure & brillante… Ce ſilence impoſant
de la nuit… Cette frayeur qui glaçait mes ſens…
Cette image de la Nature en paix, près du bouleverſement
de mon ame égarée, tout répand une
ténébreuſe horreur en moi, d’où nait bientôt le
beſoin de prier. Je me précipite aux genoux de
ce Dieu puiſſant, nié par les impies, eſpoir du
pauvre & de l’affligé.
« Être ſaint & majeſtueux, m’écriai-je en pleurs, toi qui daignes en ce moment affreux remplir mon ame d’une joie céleſte, qui m’as, ſans doute, empêché d’attenter à mes jours. Ô mon protecteur & mon guide, j’aſpire à tes bontés, j’implore ta clémence, vois ma miſere & mes tourmens, ma réſignation & mes vœux. Dieu puiſſant ! tu le ſais, je ſuis innocente & faible, je ſuis trahie & maltraitée ; j’ai voulu faire le bien à ton exemple, & ta volonté m’en punit ; qu’elle s’accompliſſe, ô mon Dieu ! tous ſes effets ſacrés me ſont chers, je les reſpecte & ceſſe de m’en plaindre ; mais ſi je ne dois pourtant trouver ici-bas que des ronces,