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Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/93

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la peine de naître pour un ſort auſſi pitoyable ?… Et mes larmes coulerent avec abondance en faiſant ces triſtes réflexions ; je les finiſſais à peine lorſque j’entendis du bruit autour de moi ; peu-à-peu je diſtingue deux hommes. Je prête l’oreille ; — viens, cher ami, dit l’un d’eux, nous ſerons à merveille ici ; la cruelle & fatale préſence d’une tante que j’abhorre ne m’empêchera pas de goûter un moment avec toi les plaiſirs qui me ſont ſi doux. Ils s’approchent, ils ſe placent tellement en face de moi, qu’aucun de leurs propos, aucun de leurs mouvemens ne peut m’échapper, & je vois… Juſte Ciel, Madame, dit Théreſe en s’interrompant, eſt-il poſſible que le ſort ne m’ait jamais placée que dans des ſituations ſi critiques, qu’il devienne auſſi difficile à la vertu d’en entendre les récits, qu’à la pudeur de les peindre ! Ce crime horrible qui outrage également & la Nature & les conventions ſociales, ce forfait, en un mot, ſur lequel la main de Dieu s’eſt appeſantie ſi ſouvent, légitimé par Cœur-de-fer, propoſé par lui à la malheureuſe Théreſe, conſommé ſur elle involontairement, par le bourreau qui vient de l’immoler, cette exécration révoltante enfin, je la vis s’achever ſous mes yeux avec toutes les recherches impures, toutes les épiſodes affreuſes, que peut y mettre la dépravation la plus réfléchie. L’un de ces hommes, celui qui ſe prêtait, était âgé de vingt-quatre ans, aſſez bien mis pour