Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/98

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long, dit Bressac, en me mettant nue. Puis au moyen de leurs cravates, de leurs mouchoirs & de leurs jarretieres, ils font des cordes dont je ſuis à l’inſtant liée, comme ils le projettent, c’eſt-à-dire, dans la plus cruelle & la plus douloureuſe attitude qu’il ſoit poſſible d’imaginer. On ne peut rendre ce que je ſouffris ; il ſemblait que l’on m’arrachât les membres, & que mon eſtomac qui portait à faux, dirigé par ſon poids vers la terre, dût s’entr’ouvrir à tous les inſtans ; la ſueur coulait de mon front, je n’exiſtais plus que par la violence de la douleur ; ſi elle eût ceſſé de comprimer mes nerfs, une angoiſſe mortelle m’eût ſaiſie : les ſcélérats s’amuſerent de cette poſture, ils m’y conſidéraient en s’applaudiſſant. En voilà aſſez, dit enfin Bressac, je conſens que pour cette fois elle en ſoit quitte pour la peur.

Théreſe, continue-t-il en lâchant mes liens & m’ordonnant de m’habiller, ſoyez diſcrete & ſuivez-nous : ſi vous vous attachez à moi, vous n’aurez pas lieu de vous en repentir. Il faut une ſeconde femme à ma tante, je vais vous préſenter à elle, ſur la foi de vos récits ; je vais lui répondre de votre conduite ; mais ſi vous abuſez de mes bontés, ſi vous trahirez ma confiance, ou que vous ne vous ſoumiſſiez pas à mes intentions, regardez ces quatre arbres, Théreſe, regardez le terrain qu’ils enceignent, & qui devoit vous ſervir de ſépulcre, ſouvenez-vous que ce funeſte endroit