Page:Sade - Justine, ou les Malheurs de la vertu.djvu/97

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œuvres, nous n’en faiſons jamais de ce genre… Mais parle, miſérable, as-tu vu ce qui s’eſt paſſé entre Monſieur & moi ? — Je vous ai vus cauſer ſur l’herbe, répondis-je, rien de plus, Monſieur, je vous l’aſſure. Je veux le croire, dit le jeune Comte, & cela pour ton bien ; ſi j’imaginais que tu euſſes pu voir autre choſe, tu ne ſortirais jamais de ce buiſſon… Jaſmin, il eſt de bonne-heure, nous avons le temps d’ouïr les aventures de cette fille, & nous verrons après ce qu’il en faudra faire.

Ces jeunes gens s’aſſeyent, ils m’ordonnent de me placer près d’eux, & là je leur fais part avec ingénuité de tous les malheurs qui m’accablent depuis que je ſuis au monde. — Allons, Jaſmin, dit Monſieur de Bressac, en ſe levant, dès que j’eus fini, ſoyons juſtes une fois ; l’équitable Thémis a condamné cette créature, ne ſouffrons pas que les vues de la Déeſſe ſoient auſſi cruellement fruſtrées, faiſons ſubir à la délinquante l’arrêt de mort qu’elle aurait encouru : ce petit meurtre, bien loin d’être un crime, ne deviendra qu’une réparation dans l’ordre moral ; puiſque nous avons le malheur de le déranger quelquefois, rétabliſſons-le courageuſement du moins quand l’occaſion ſe préſente… Et les cruels m’ayant enlevée de ma place, me traînent déjà vers le bois, riant de mes pleurs & de mes cris ; lions-la par les quatre membres, à quatre arbres formant un quarré-

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