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L’ŒUVRE DU MARQUIS DE SADE

longue vie emplie de meurtres et d’incestes. Il décrit les pays qu’il a visités : l’Allemagne, l’Italie, Tunis, Marseille, etc. Justine quitte le cloître. Elle rencontre Dorothée d’Esterval, femme d’un aubergiste criminel qui tient une hôtellerie isolée dans laquelle il assassine les voyageurs qui s’y aventurent. Dorothée a peur. Elle supplie Justine de venir avec elle. Justine la suit dans l’auberge où se commettent tant de crimes. Bressac survient ; il est, en effet, parent d’Esterval. Tous se rendent chez le comte de Germande, qui est également un de leurs parents. Celui-ci a pris la détestable habitude de martyriser sa femme, dont la beauté est admirable. Il lui tire « deux palettes de sang » tous les quatre jours. Ensuite Justine a encore une série d’aventures difficiles à résumer et qui se passe dans la famille Verneuil, chez les Jésuites, au milieu de tribades et d’invertis de toutes sortes. Justine rencontre ensuite le faux monnayeur Roland et finit par être enfermée dans la prison de Grenoble. Elle est sauvée par un avocat du barreau de cette ville, M. S… À l’auberge elle rencontre la Dubois qui la conduit à la maison de campagne de l’archevêque de Grenoble, dans laquelle il y a un cabinet à glaces pouvant se transformer en une épouvantable chambre de torture où l’archevêque fait décapiter les femmes après les avoir ignoblement outragées.

« Lorsque les femmes entrèrent avec le prélat, elles trouvèrent dans ce local un gros abbé de quarante-cinq ans, dont la figure était hideuse et toute la construction gigantesque ; il lisait, sur un canapé, la Philosophie dans le Boudoir[1]. »

Justine s’échappe ; il lui arrive un certain nombre d’aventures épouvantables. On l’incarcère de nouveau et, derechef, la voilà condamnée à mort. Elle s’évade, erre lamentablement et finit par rencontrer une jolie dame qu’accompagnent quatre messieurs. C’est Juliette, qui accueille sa sœur avec tendresse et lui vante la vie criminelle : « J’ai suivi la route du vice, moi, mon enfant ; je n’y ai jamais rencontré que des roses. »

Voilà cette Justine que le marquis de Sade a toujours vouée

  1. M. Henri d’Alméras pense que la Philosophie dans le Boudoir n’est pas du marquis de Sade. C’est là une erreur que cette citation pourra dissiper. Au reste, on ne s’y était point trompé jusqu’ici, ni Restif, qui connaissait bien les ouvrages de de Sade, ni personne. Tout dans la Philosophie dans le Boudoir décèle le génie du marquis, et son style s’y reconnaît facilement. Peut-être est-ce l’ouvrage capital, l’opus sadicun par excellence.