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L’ŒUVRE DU MARQUIS DE SADE

connaissent toutes les dépravations sexuelles et peuvent les réunir dans un récit systématique.

La première doit exposer seulement les 150 perversions les plus simples, les plus communes, les moins raffinées. La deuxième doit en donner un même nombre de « plus rares et plus compliquées », dans lesquelles un ou plusieurs hommes agissent avec plusieurs femmes. La troisième doit montrer 150 dépravations criminelles ayant trait aux lois, à la nature et à la religion. Les excès de cette dernière catégorie amènent au meurtre, et ces plaisirs meurtriers sont si variés que la quatrième conteuse doit indiquer 150 de ces diverses tortures.

Les quatre libertins veulent pratiquer les enseignements de ces récits avec leurs femmes et d’autres « objets ».

Ces quatre « historiennes », dont la science est extraordinaire, sont d’anciennes prostituées devenues appareilleuses.

La Duclos a 48 ans. Elle est encore bien.

La Chanville a 50 ans. C’est une tribade enragée.

La Martaine a 52 ans ; comme elle était barrée, elle s’est fait pédiquer dès son jeune âge.

La Desgranges a 56 ans. C’est « le vice personnifié », un squelette auquel manquent 10 dents, trois doigts et un œil. Elle boite et elle est rongée par un chancre. Son âme est « le réceptacle de tous les vices ». Il n’y a pas de crime qu’elle n’ait commis. Au demeurant, ses collègues ne sont pas des anges non plus.

On s’occupe de l’approvisionnement en « objets luxurieux » des deux sexes : huit filles, huit garçons, huit hommes et quatre servantes. On engage les appareilleuses et les appareilleurs les plus fameux de France pour recruter le matériel, dont le choix est fait avec beaucoup de raffinement. On prend partout, dans les couvents, dans les familles, 130 filles de 12 à 15 ans pour lesquelles on donne aux maquerelles 30.000 francs. Sur ces 130 filles on en retient 8.

On agit de même pour les garçons et les hommes remis par les « agents de sodomie ».

La revue des filles à la maison de campagne du duc dure treize jours. On en examine dix par jour.

On examine de la même façon les garçons, les drauques et les servantes.

Cette assemblée se rend au château du duc ; c’est le théâtre