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INTRODUCTION

du récit et des orgies pendant neuf mois. On a disposé les meubles, réuni des vivres et des vins. Le château est au milieu de forêts, entouré de hautes montagnes presque inaccessibles. Le domaine est clos par une muraille élevée qu’encercle un grand fossé. Au dehors, le paysage est tranquille et quasi religieux, ce qui prête plus de prix au libertinage. Toutes les chambres donnent sur une grande cour intérieure. Au premier étage se trouve une grande galerie qui aboutit à la salle à manger, assez près des cuisines. Cette salle à manger est meublée d’ottomanes, de fauteuils, de tapis. Elle est très confortable. De là, on passe dans le « salon de compagnie », bien meublé, près du « cabinet d’assemblée » où se tiennent les quatre vieilles. Cette salle est le « champ de bataille », la scène des « assemblées lubriques » et meublée en conséquence. Elle est en demi-cercle. On y remarque quatre grandes niches ornées de glaces. Dans un coin se trouve une ottomane. Au milieu de la salle est disposé un trône pour la conteuse, sur les marches du trône se tiennent « les sujets de débauche » qui, pendant les récits, doivent soulager les sens excités des libertins. Le trône et les marches sont couverts de satin bleu-noir agrémenté de galons d’or. Les niches sont tendues de satin bleu clair. Au fond de chaque niche s’ouvre une « mystérieuse garde-robe » dans laquelle le libertin se retire avec l’objet de ses désirs, et dans laquelle on trouve un canapé « et tous les autres meubles nécessaires aux impuretés de toute espèce ». Des deux côtés du trône se dressent jusqu’au plafond de hautes colonnes creuses dans lesquelles on enferme les personnes à punir. Elles renferment des instruments de supplice dont la vue seule est effroyable et provoque chez le martyr cette épouvante « d’où naît presque tout le charme de la volupté dans l’âme des persécuteurs ». Près de cette grande salle est un boudoir pour les voluptés les plus secrètes. Dans une autre aile du château sont quatre belles chambres à coucher avec boudoir, garde-robes, lits turcs de damas tricolore, et ornées des objets les plus luxurieux et les plus propres à flatter « la lubricité la plus sensuelle ».

Aux deux étages sont quelques chambres pour les conteuses, les garçons, les filles, les servantes, etc. Hors de la chapelle, au bout de la galerie, est un escalier en limaçon de trois cents marches conduisant au sous-sol, dans une salle voûtée et sombre, close de trois portes de fer, où l’on a disposé ce que l’art