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LA MARQUISE DE GANGE

— Où allez-vous ? dit un de ces bandits, en s’approchant de la voiture le sabre à la main. Croyez-vous donc passer dans mes États sans me faire une visite ? Villefranche, dénué des moyens de se défendre, essaie de parler ; on ne l’écoute pas. — Descendez, descendez tous deux, lui dit-on, vous êtes à cent pas de mon palais, et n’avez plus besoin de voiture pour vous y conduire. La marquise, tremblante, obéit, soutenue par le comte ; tous deux suivent leur conducteur, qui, levant une pierre voilée par des broussailles, donne poliment la main à la marquise pour descendre dans ce qu’il appelle son palais. Quatre autres camarades de ces deux-ci se trouvent là, et tous s’empressent à bien recevoir leurs hôtes. — Ne vous étonnez pas de notre manière d’être avec vous, madame, dit le chef, après l’avoir fait reposer et rafraîchir ; le dessein de vous nuire en quoi que ce puisse être n’a point motivé votre arrestation. Soyez tranquilles l’un et l’autre ; il ne vous sera fait aucun mal : ce ne sont point des ennemis, ce sont des amis que nous voulons nous faire. Las du métier que nous exerçons, nous commençons à redouter les suites dangereuses de cette vie errante et vagabonde ; nous voilà prêts à l’abandonner ; mais la justice à laquelle nous sommes dénoncés ne croira pas à la sincérité de notre retour : nous voulons en avoir des témoins. Depuis le passage de la foire, nous avons arrêté