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LA MARQUISE DE GANGE

se convaincre lui-même de cette heureuse nouvelle.

On se hâta de lui expliquer l’aventure, et le comte, après avoir rempli ses devoirs de bienséance, annonça son départ pour le lendemain. On essaya de le retenir ; il n’eut pas de peine à faire ce qu’on désirait ; et la joie allait redevenir générale, lorsqu’une lettre de madame de Roquefeuille, instruite de tout ce qui s’était passé, redemanda sa fille avec empressement. L’aimable Ambroisine partit donc, comblée des éloges et des regrets de toute la société, qui ne pouvait voir qu’avec chagrin s’éloigner d’elle une jeune personne aussi intéressante à tous égards, et sur le compte de laquelle madame de Gange était parfaitement revenue.

— Il me semble, dit à quelque temps de là Théodore à Villefranche, que tu as bien mal profité de la superbe occasion que je t’avais ménagée avec ma belle-sœur. Tu m’avoueras qu’il est assez maladroit d’avoir laissé prendre par des voleurs une femme qui n’aurait jamais du trouver de fers qu’entre tes bras… Et le scélérat se gardait bien de dire ici que sa méchanceté commençait le mal, et que sa jalousie l’arrêtait.

— Ah ! crois, mon cher abbé, répondit Villefranche, qu’il n’y a rien que je n’aie fait pour réussir ; mais, je te l’ai dit, ta sœur est inabordable : je ne connais pas de femme plus sage