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LA MARQUISE DE GANGE

çons tombent toujours sur ce Villefranche ; je te les ai cachés tant que j’ai pu, mais ils reviennent sans cesse. Il nous devait une visite d’éclaircissement et de décence, après l’aventure de Beaucaire. Ecoute, mon frère, ne m’accuse pas de vouloir semer la discorde sur votre union ; je n’ai. pas besoin, ce me semble, de me défendre de cela, tu sais que j’en suis incapable ; mais si tu n’attaches aucun déshonneur à posséder une femme à aventures dans la famille, je te préviens, moi, que je ne veux pas être le beau-frère de celle dont l’imprudence ou la faiblesse donne chaque jour matière aux plus graves soupçons. À tout événement, prends des armes, et allons nous promener au mausolée. — En vérité, mon frère, ton esprit voit toujours du mal partout : c’est maintenant dans l’acte le plus vertueux et le plus saint que tu t’avises d’en supposer. — Ah ! mon ami, ne sais-tu donc pas que c’est sous ces dehors trompeurs de décence et de religion que les coquettes adroites enveloppent toujours leurs travers ? J’espère que je me trompe, et je le crois ; mais, puisque l’occasion se présente, éclaircissons-nous… Où est Villefranche ? Nous devions aller ce soir tous les deux chasser dans le parc ; que fait-il ? pourquoi m’a-t-il manqué de parole ? — Allons, je veux te satisfaire, dit le marquis, en mettant dans sa poche deux pistolets chargés ; mais souviens-toi que ce sera ici la dernière