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Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/165

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LA MARQUISE DE GANGE

son âme ouverte à l’infamie n’y laisse pas même entrer un rayon de vertu.

— Eh bien ! Rose, dit-il, quand cette fille descendit de la tour, mes ordres sont-ils remplis ?… Tu pleures, Rose ! J’avais cru te convaincre que cette faiblesse était déplacée. — À la bonne heure, monsieur, mais comment voulez-vous que je m’empêche de pleurer, quand je vois pleurer ma maîtresse ? — Enfin, comment a-t-elle pris ce que tu viens de faire chez elle ? — Avec une résignation angélique, monsieur ; elle voulait me faire enlever beaucoup plus de choses que vous ne m’aviez ordonné d’en prendre ; elle ne voulait pas même que je laissasse un matelas sur son lit. Ce bois me suffit, disait-elle, je n’ai besoin de rien dans le monde, dès que j’ai perdu le cœur de mon époux : c’est un cercueil qu’il me faut, ma fille, un cercueil… Et des ruisseaux de larmes ont inondé ses yeux… — A-t-elle parlé de moi ? — Non, monsieur ; je lui ai peint le regret que vous éprouviez à l’exécution de ces rigueurs ; elle m’a répondu qu’elle le croyait bien. — Et pas un mot de plainte contre moi ? — Pas un seul, monsieur. — Bon ! demain, au lieu des mets que tu lui portes, tu ne lui donneras que du pain et de l’eau. — Oh ! monsieur, je n’exécuterai jamais une telle chose. — Eh bien ! je le ferai moi, si tu t’y refuses. Il faut que tu sois toi-même un mauvais sujet, pour t’apitoyer sur le sort d’un monstre qui