Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
156
LA MARQUISE DE GANGE

vient d’occasionner la fuite de son mari, la mort de son amant, le déshonneur de sa famille, et tous les malheurs qui vont peut-être résulter de ces indignes forfaits. Lui as-tu reproché ces exécrations ? — Oh ! non, monsieur, où la vertu se peint aussi bien, peut-on supposer le mal ! Hélas ! je croirais l’insulter en lui prêtant de telles horreurs ; et quand je lui parlerais d’un crime, la vertu dans ses yeux viendrait, en réclamant ses droits, la défendre et la faire triompher. — Rose ! vous n’êtes pas la femme qu’il me faut, je le vois. L’abbé Perret remplira mieux ce poste, et je vais l’en charger. Mais la bonne Rose, qui sentit tout ce que pourrait perdre la marquise à ce changement, aima mieux feindre, pour être utile à sa maîtresse ; et, se faisant répéter une seconde fois les torts dont on lui parlait, elle eut l’air de se rendre aux détails que lui peignait si méchamment Théodore, et promit en conséquence d’exécuter mot à mot tout ce qu’il lui prescrirait.

Au bout de quelques jours de ce régime, l’abbé voulut essayer une nouvelle attaque.

Il entre, et, frappé de l’abattement dans lequel il voit la marquise, un instant la pitié s’éveille ; mais un cœur corrompu comme celui-là ne lui laisse pas prendre un bien long empire. — Madame, dit-il à sa belle-sœur, je viens vous témoigner tout le chagrin que j’éprouve à l’exécution des ordres de mon frère ; mais il me paraît que