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LA MARQUISE DE GANGE

— Pouvez-vous me faire voir ce billet ? dit Euphrasie avec fermeté. Tout ce que je vous demande à présent se borne à cela : montrez-moi ce billet. — Votre mari s’est emparé de cette pièce, comme de celle du souterrain : ce sont, dit-il, des preuves pour la séparation qu’il se propose ; elles ne paraîtront que devant vos juges. Je vous aurais caché cela toute ma vie ; j’en aurais même paralysé les effets, si vous eussiez voulu favoriser ma flamme. Vos rigueurs légitiment les miennes, et je n’écoute plus que les intérêts de mon frère.

— Bonté du ciel ! s’écria la marquise, en versant un torrent de larmes, quel besoin j’ai de t’implorer, quand on me précipite avec tant de sang-froid dans les derniers excès de l’infortune !

Ses pleurs s’arrêtent ; la violence de son état les tarit dans des yeux égarés par le plus effrayant délire ; les muscles de ce beau visage n’y laissent plus régner, au lieu des grâces, que les contorsions du désespoir ; ses membres s’allongent et se contournent en mille sens divers : ses cris aigus retentissent dans sa prison ; elle en frappe les murs de sa tête ; son sang coule ; il inonde le scélérat qui le fait répandre, et qui, bientôt irrité comme le tigre par la seule vue de ce sang précieux, le fera couler sans doute d’une bien plus exécrable manière.

— Voilà ce qu’il vous restait à faire, dit Perret