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LA MARQUISE DE GANGE

sa chambre, et ses yeux pleins de larmes se fixent un instant sur ce local jadis témoin de son bonheur. S’arrachant promptement d’un endroit dont le souvenir lui fait autant de mal, elle traverse la galerie qui réunit sa chambre à la chapelle. Rien n’assurait ses pas : les sages précautions de Rose n’avaient pas même permis une lampe. L’obscurité de ces vastes foyers n’était interrompue que par quelques pâles reflets des étoiles qui brillaient au ciel cette nuit-là, et qui métamorphosaient en fantômes les portraits élevés sur les murs de cette galerie. On était plus effrayé que servi par ces débiles secours, ne parvenant qu’au travers d’antiques vitraux qui les absorbaient encore. Au-delà de cette galerie, ces secours n’existaient même plus : il fallait pénétrer dans un long corridor dans lequel aucun jour n’était ménager. C’était au bout qu’était situé l’appartement de madame de Châteaublanc. Une bougie laissée sur la porte donnait, en vacillant, une lumière plus faible encore que celle qui venait de guider les pas d’Euphrasie. L’infortunée, plus tremblante que jamais, s’appuyait fortement sur l’épaule de son guide, lorsque tout à coup une main lourde et grossière saisit Rose par le bras. — Où allez-vous ? s’écrie Perret d’une voix de tonnerre. Retournez promptement chez vous, ou je vais en instruire monsieur l’abbé ; mais Euphrasie n’entend plus, elle est évanouie dans