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LA MARQUISE DE GANGE

laissa ces dames, pour leur faire servir, quelques heures après, le repas le plus splendide, et dans lequel la joie, la tranquillité et le bonheur remplacèrent toutes les anxiétés dont on s’abreuvait depuis si longtemps. Là, s’arrangea d’une manière irrévocable le projet qui fit effectivement partir toute la compagnie dès le lendemain pour Avignon.

Lorsqu’une crise violente a brisé les nœuds d’une société, il est rare qu’une parfaite harmonie rétablisse les choses aussi promptement que les divisa la discorde : on se craint, on s’observe, on s’épie, et une sorte de froideur caractérise les premiers jours du raccommodement. C’est ce qui arriva à nos voyageurs : ils se parlèrent peu, et pensèrent beaucoup. Les remparts d’Avignon vinrent enfin frapper leurs regards ; et la certitude que l’entrée de cette ville rompait absolument les fers de nos captives, en faisant froncer le sourcil du persécuteur, dérida cependant le front de ses victimes.

Chacun se rendit à sa destination. Madame de Gange fut loger chez sa mère, et l’abbé rejoignit ses frères, qu’il promit d’amener promptement à ces dames.

Pendant que chacun s’établit, nos lecteurs nous permettront de leur donner une idée de cette ville au dix-septième siècle.

Avignon, célèbre par le séjour que les souve-