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LA MARQUISE DE GANGE

et ses rivales mêmes la louèrent ; triomphe bien rare pour une jolie femme, mais qui, étant décerné à l’unanimité, assura pour toujours, dans Avignon, le prix de la beauté à l’intéressante Euphrasie.

Un descendant de Laure, poète à la mode dans la bonne compagnie, lui glissa cet impromptu aussitôt qu’elle entra :

          Autrefois de cette cité
  Laure, dit-on, était la plus jolie ;
          Ah ! sans les grâces d’Euphrasie,
  Elle arrivait à l’immortalité.

On savait bien quelque chose des malheurs de la marquise de Gange ; mais, la galanterie avignonnaise l’emportant ici sur le penchant des habitants de cette ville à la calomnie, on ne se permit tout bas que quelques légères réflexions ; l’abbé et le marquis disparurent avant le souper ; madame de Châteaublanc n’était pas venue, de sorte qu’elle n’eut plus que le chevalier pour la ramener chez elle ; et, comme il était de bonne heure, il demanda à Euphrasie la permission de causer un instant avec elle.

— Rien de flatteur, lui dit le chevalier, comme les hommages qui viennent de vous être prodigués ; et, ce qui l’est encore davantage, c’est de les mériter comme vous le faites.