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LA MARQUISE DE GANGE

cette scène, et je vous garantis le succès. Un cabinet très sombre était préparé. Quelque sûre que fût la marquise de n’y trouver que son mari, elle n’y entre pourtant qu’en tremblant. Aucun jour ne pénètre dans cet asile solitaire ; aucun bruit ne s’y fait entendre, et la marquise était prévenue de parler bas.

— Est-ce vous, lui dit une voix douce, qui se voila de la même manière, est-ce vous, ô mon ange ? Que je trouve de délicatesse à cette façon de nous voir ! — j’ai eu beaucoup de peine à m’y prêter, mais que ne fait-on pas pour ce qu’on aime ! Au moins, n’abuse pas de ma faiblesse. — Non, mais tu me permettras d’user de mes droits. — Tu t’en supposes donc sur mon cœur ? — Ah ! les plus assurés : mon amour me les donne. — Combien ce mot d’amour me flatte dans une semblable situation ! — Ne tardons pas à nous en donner des preuves. — Voilà déjà que tu manques à tes promesses. — Je n’ai promis que de t’aimer… Quoi ! tu résistes ? — Ah ! le puis-je longtemps avec le seul homme que j’adore au monde… — Eh bien ! cesse donc de t’opposer aux preuves ardentes du même amour qui me consume aussi… Et la crédule Euphrasie, enlacée dans des bras criminels, qu’elle est bien loin de connaître, est au moment d’accorder à l’hymen ce que le crime allait profaner.

Tout à coup s’ouvre avec fracas une porte