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LA MARQUISE DE GANGE

entrait dans ses plans, depuis son aventure chez la comtesse de Donis. Il lui devenait si nécessaire d’ailleurs de dissiper les chagrins dont elle venait d’être accablée ; tout ce qui l’entourait l’y engageait de si bonne foi, qu’elle accepta de la meilleure grâce du monde.

Quelque jolie que soit une femme, elle aime toujours à rehausser ses attraits de tous les agréments de la parure ; et la marquise avait l’art de prouver que, dans une femme honnête, un peu de coquetterie peut très bien s’allier avec la décence, et la parure avec la religion : n’est-il donc pas des jours de fêtes où ses ministres en donnent l’exemple ? Ce qui flatte les yeux va toujours à l’âme. La ferveur serait peut-être moins grande, si les autels n’étaient parsemés de fleurs, et si les ornements sacerdotaux n’étaient pas souvent couverts d’or.

Madame de Gange se trouve donc au bal, et la mieux mise et la plus belle. Le marquis et l’abbé étaient restés chez madame de Châteaublanc ; le chevalier seul donnait la main à la marquise. Même enthousiasme quand elle parut là que quand elle avait débuté au cercle du duc de Gadagne. On se rappela qu’elle avait dansé avec Louis XIV ; qu’un instant le jeune roi lui avait accordé la préférence sur la belle Mancini : tout cela fixa longtemps tous les regards sur elle, et les danseurs ne se lassaient pas de l’inviter.