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LA MARQUISE DE GANGE

ce que je voudrais, dit de Gange, et voilà ce qui fait que j’ai peur que tout cela ne finisse par nous brouiller. Au reste, ne réalisons pas d’avance la jolie fable de l’Huître et des Plaideurs. Il sera très possible que le joli petit poisson ne soit avalé par aucun de nous. Soumettons-nous aux circonstances, et voguons sur une mer assez passablement orageuse.

Quelques bouteilles de l’Hermitage et de Champagne scellèrent ce pacte désastreux, et l’on ne s’occupa plus que de son exécution.

Le carnaval dans lequel on entrait, communément bruyant et gai à Avignon, favorisait infiniment les projets du chevalier, fort applaudis de Théodore, auquel il en avait fait part. On crut qu’il fallait commencer par mettre la marquise en liaison avec les deux criminels agents du perfide chevalier, et l’abbé les présenta chez elle. Possédant tout ce qu’il fallait pour plaire et pour être admis dans le plus grand monde, ils furent parfaitement reçus d’Euphrasie. La mère du duc de Caderousse donnant le surlendemain un très grand bal chez elle, le jeune seigneur ne manqua pas d’y inviter la marquise.

Quoique très sage et très vertueuse, madame de Gange, dans l’âge des plaisirs, ne se refusait à aucun de ceux qui ne paraissaient pas l’écarter de ses devoirs : on doit même se rappeler que cela