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LA MARQUISE DE GANGE

le devanciez de quatre heures, et il ne va reparaître ici que pour vous soumettre à ses criminels désirs. Vous êtes perdue, ma respectable maîtresse, perdue, si je ne réussis pas à vous faire sortir de cet enfer ; et comment l’entreprendre ? Hélas ! il me tuera, si je vous laisse échapper, et vous… vous, madame, vous êtes déshonorée si je ne vous sauve. — Ah ! Victor ! — Ne m’implorez pas ; mon parti est pris : entre ma vie et votre honneur je ne dois pas balancer un instant. — Excellent homme !… mes guides sont-ils repartis ? — Ils doivent l’être ; mais comment sortir d’ici dans l’état où vous êtes ? Heureusement ma femme est dans cette maison. Passons à l’instant chez elle ; vous prendrez ses habits ; vous y déposerez les vôtres, et je vous accompagnerai… Mais, en me sacrifiant pour vous, songez que je ne puis plus reparaître après. — Ah ! Victor ! peux-tu penser que je puisse jamais t’abandonner un instant ? — Pressons-nous donc ; il n’y a pas une minute à perdre. On descend chez la femme de Victor, placée comme concierge dans le château. Le changement d’habit n’est pas long ; on se précipite dans la cour ; on passe une seconde fois les grilles. Un moment, dit Victor en s’arrêtant au-delà, gardons-nous de retourner à Avignon par le chemin que le duc a pris pour arriver dans son château : nous le rencontrerions à coup sûr. Descendons lestement la montagne ;