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LA MARQUISE DE GANGE

l’entrée de la cuisine. Oh ciel ! où sommes-nous ? L’homme que vous voyez est un des agents du duc, un scélérat, qui, en récompense des services rendus à ce seigneur, a déjà deux fois échappé aux châtiments que lui méritaient ses crimes. Je suis sûr qu’il est envoyé sur nos traces… Où nous cacher ?… Un mauvais appentis se présente sur la gauche de la porte du cabaret ; on pouvait entendre de là tout ce qui se disait dans la maison occupée par ce bandit et deux satellites qui ne le quittaient jamais. — Cachons-nous là, dit Victor, nous saurons au moins à quoi nous en tenir sur le compte de ces hommes redoutables. Euphrasie approuve ce conseil ; tous deux se blottissent sous des bottes de paille, et prêtent avidement l’oreille.

— Nous les avons manqués d’une heure, dit le chef à ses compagnons ; il fallait qu’ils fussent cachés dans le bac… Quelle perte pour nous ! Le duc nous a promis deux cents louis si nous la lui ramenons. Il fera mourir Victor sous le bâton ; mais, pour la marquise, elle est perdue : il n’y a pas grand mal ; ce n’est pas une femme bien honnête. Son mari ne s’est battu avec Villefranche que parce qu’il le trouva dans le lit de son épouse. Et peu auparavant, lorsqu’elle se sauvait de Beaucaire avec cet amant, et que Deschamps, mon capitaine pour lors, la fit descendre dans son souterrain, ne fit-il pas d’elle tout ce qu’il voulut ? Elle y avait consenti… Oh !