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LA MARQUISE DE GANGE

Enfin, si la partie la plus essentielle de notre plan n’est pas remplie, il faut espérer que la seconde le sera. Retournons à Avignon ; faisons courir l’aventure du bal. Que m’importe dans le fait que nous déshonorions ou non cette femme, pourvu qu’elle ait les apparences du déshonneur ? Je te l’ai dit, mon ami, j’aime autant flétrir cette femme que de l’avoir : mes intérêts y trouvent également leur compte, et ce n’est plus qu’eux que je consulte. — Et moi, je t’en dédommagerai, sois-en sûr. Partons, allons trouver Valbelle ; c’est son tour ; peut-être ne sera-t-il pas aussi malheureux que toi.

Aussitôt que nos jeunes gens furent revenus dans la capitale du Comtat, ils se réunirent à Valbelle et à Théodore, pour tenir ce qu’ils appelaient un conciliabule ; et la première chose qui se décida fut de donner à l’aventure la plus grande publicité, en tenant néanmoins sous le voile le rôle du chevalier, qui n’avait dû agir que pour donner des secours à sa belle-sœur. Le second point fut de placer Valbelle auprès de la dame, afin de multiplier ses adorateurs, en gagnant cependant du temps, pour qu’on ne soupçonnât ni animosité, ni acharnement dans tout ce qui se faisait. — D’ailleurs, dit l’abbé, qui avait ouvert ce nouvel avis, nous verrons ce qui se passera pendant cet intervalle. Le chevalier, dont on ne se méfiera point, ou du moins que fort peu,