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LA MARQUISE DE GANGE

marquise ! La voilà dans la même situation où la mit ce frénétique au château de Gange : en l’aigrissant, elle s’en fait un ennemi terrible ; il est certain que cet homme va consommer sa perte dans l’esprit de son époux, va la brouiller avec le chevalier, dont, ne connaissant pas les torts, elle aime encore le caractère, et sur lequel elle compte pour la réconcilier avec le public. Si elle achève d’irriter Théodore par un silence froid et méprisant, n’est-ce point avouer des fautes qu’elle est si loin d’avoir commises ; d’une autre part, est-il en elle de pouvoir céder ? Quelle situation ! « Oh ! monsieur, dit-elle à l’abbé, en le forçant de prendre une autre attitude que celle où son amour vient de le jeter, oh ! monsieur, que vous êtes à la fois méchant et menteur méchant, assurément vous l’êtes, puisque vous me menacez de me perdre si je ne consens pas à me déshonorer ; menteur, pouvez-vous le nier ? puisque vous soutenez véritable aujourd’hui ce que vous avez démontré faux avant que de partir de Gange. Or, comment un homme qui a le dessein de plaire ose-t-il se présenter à la femme qu’il veut séduire sous deux masques aussi hideux ? En faisant votre cour à une femme, vous n’avez donc pas la prétention de lui être agréable ? Si vous l’aviez, monsieur, vous conduiriez-vous comme vous le faites ? — Je n’ai rien à répondre à ce subterfuge maladroit, dit l’abbé, il me dévoile la perfidie