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LA MARQUISE DE GANGE

croit à la fin de ses maux : c’est le navigateur arrivant au port, après les violentes secousses qui viennent de l’agiter.

Madame de Gange fut pleinement la dupe de ces fausses apparences ; elle crut au calme parfait dont elle avait un si grand besoin.

Quand le marquis et madame de Châteaublanc supposèrent la tranquillité parfaitement rétablie, ils revinrent à Avignon, où leurs affaires les appelaient. Euphrasie, restée seule avec Théodore et le chevalier, ne s’aperçut d’aucun changement dans les bonnes dispositions de ses beaux-frères. On ne se permit ni ressouvenirs, ni reproches, ni même aucune plaisanterie ; tout devint décent et délicat. La marquise, au comble de la félicité, semblait reprendre une nouvelle existence : elle parut à tout le monde mille fois plus belle qu’on ne l’avait jamais vue : on dirait que la nature fait de nouveaux efforts en nous, quand elle est prête à nous rappeler dans son sein ; il semble qu’elle veuille, par ses derniers dons, nous rendre plus dignes du souverain être, auquel sa main va nous rejoindre.

Un jour, au milieu de cette douce sérénité, le chevalier se hasarde à parler à sa sœur du testament qu’elle a fait à Avignon ; il lui propose de le casser, en lui représentant que, puisque son mari lui rend toute son estime et toute sa tendresse, elle ne doit point faire soupçonner, en