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LA MARQUISE DE GANGE

elle, aussitôt qu’il en avait obtenu la permission. — Oh ! ma chère Euphrasie, s’écria-t-il en l’embrassant, qui t’a donc rendue si rêveuse hier soir ? Pourquoi tes larmes ont-elles coulé sur les premiers pas que tu fais dans ce château ? Est-il quelque chose qui te déplaise ici ? Cette solitude te paraît-elle trop profonde ? Ne t’inquiète pas, chère Euphrasie, nous y recevrons des parents, des amis ; j’ai deux frères que leurs devoirs éloignent, peut-être encore pour quelque temps, mais qui s’empresseront de te voir. Tous deux sont aimables et jeunes ; tous deux chercheront à te plaire, et nous finirons par égayer la retraite : des voisins, des amis viendront également ; et si tout cela ne te satisfait pas, Montpellier, Avignon, ne sont pas loin d’ici ; nous irons y chercher les plaisirs que te refuserait ce séjour.

— Mon cher Alphonse, répondit la marquise, cette habitation n’est-elle pas de mon choix ? les motifs qui me l’ont fait préférer sont-ils donc effacés de ta mémoire ? Tu le sais, cher époux, je n’ai cru à l’existence du bonheur que dans le local solitaire où je pourrais jouir de toi seul. Par quelle injustice m’accuses-tu donc d’avoir sitôt changé ? — Mais, cette inquiétude, ce chagrin… — Se dissipent aussitôt que je te revois… au point d’en oublier jusqu’à la cause. Et comment pourrais-je me la rappeler ? Elle est chimérique, Alphonse, je te l’assure : ce sont des idées qui