Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
25
LA MARQUISE DE GANGE

voltigent au-dessus de nous… des idées qu’il est impossible de fixer, dont on peut encore moins se rendre compte, et qui ressemblent à ces feux follets dont on attendrait en vain de la lumière. Allons, mon ami, me voilà calme, parcourons ton château ; je brûle d’en connaître jusqu’aux moindres détours ; visitons le parc, les avenues ; je veux tout voir. Dis qu’on nous fasse dîner tard : cet exercice nous donnera de l’appétit.

Dès que la marquise fut prête, et que l’on eut déjeuné, suivis de quelques-uns de leurs vassaux, les deux époux commencèrent la tournée qu’ils s’étaient proposée.

Il est bon d’observer ici que, depuis dix-huit mois, le marquis, prévoyant le voyage de sa femme en Languedoc, avait fait préparer d’avance tout ce que nous allons essayer de peindre.

On entra d’abord dans la grande galerie du château, assez loin de la chambre où, comme nous l’avons dit, la marquise avait couché cette première nuit, pendant qu’on finissait d’arranger la sienne.

Là, les murs simplement ornés des portraits de la famille du marquis, laissaient dans une âme sensible des souvenirs bien autrement doux que ceux produits par les superfluités de la mode, qui, ne donnant que de bien faibles jouissances aux yeux, n’en font jamais naître une seule dans les cœurs.

— Messieurs, disait la marquise aux vassaux