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LA MARQUISE DE GANGE

de cette délicate supercherie, son âme douce et timorée en fit quelques reproches à son mari.

— Ah ! chère épouse, dit Alphonse, en la pressant sur son cœur, il me fallait le modèle de toutes les vertus ; qui voulais-tu donc que je peignisse ? Et Marie n’est-il pas un de tes noms, comme cette sainte femme un de tes modèles ?

L’appartement de madame de Gange, terminant l’autre bout de la galerie, quoique simplement décoré, était néanmoins le plus riche de la maison. Un meuble complet de soie vert et or, à la fois l’œuvre et l’hommage des bons habitants de Gange, voilait ces pierres antiques élevées depuis près de huit siècles. Le portrait d’Alphonse était négligemment posé sur une table. — Ah ! s’écria la marquise, en le saisissant avec transport, et le mettant au chevet de son lit, puisque tu places mon portrait dans l’endroit le plus saint de ta maison, laisse-moi décorer du tien ce temple heureux de notre hymen.

Quelques cabinets achevaient de donner à cet appartement toutes les aisances dont il était susceptible. Un d’eux servait de cage à l’escalier d’une tour où se conservaient les archives ; et le reste de la maison, l’une des plus vastes de la province, répondait à ce style d’architecture et de distribution gothique, si précieux aux âmes sombres et mélancoliques, pour qui les souvenirs sont des jouissances bien plus vraies que celles