Page:Sade - La marquise de Gange, Pauvert, 1964.djvu/39

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
29
LA MARQUISE DE GANGE

L’un de ces vastes taillis paraissait néanmoins avoir une destination plus intéressante : un labyrinthe presque impénétrable s’y dessinait avec tant d’art qu’il semblait impossible d’en sortir, une fois qu’on s’y était engagé. Les bouquets de bois, en ombrageant les routes, n’étaient formés que de lilas, d’aubépine et de Chèvrefeuille, de rosiers et de mille autres arbustes, que peuplaient au printemps ces légers habitants de l’air, dont les chants mélodieux et doux plongent dans ces rêveries religieuses, où l’homme, tout entier à son Dieu, trouve, à la vue des miracles éternels qui l’entourent, de si doux motifs à son culte.

Lorsque, après de nombreux détours et des pas souvent inutiles, on parvient enfin au centre du labyrinthe, un sarcophage de marbre noir se présente aux yeux. — Voilà quelle sera notre dernière demeure, dit Alphonse à son Euphrasie ; c’est là, ma bonne et chère amie, où, pressés pour jamais dans les bras l’un de l’autre, les siècles s’écouleront sur nos têtes, sans nous atteindre ou nous entraîner… Cette idée t’afilige-t-elle, Euphrasie ? — Oh ! non, non, cher Alphonse, puisqu’elle éternise notre réunion, et que les routes épineuses de la vie à jamais fermées sous nos pas ne laisseront ouvertes à nos regards que celles où Dieu nous attend. Mais, si le ciel contrariait des projets aussi consolants… Oh ! mon ami, qui peut répondre de ses volontés ?… Celles de