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LA MARQUISE DE GANGE

l’homme sont comme ces feuilles que tu vois emportées par les vents ; et cette puissance destructive qui nous ramènera là tôt ou tard, ne peut-elle pas également détruire les projets de réunion que nous osons former sans son aveu ?…

Et les deux époux continuèrent à examiner le monument.

Les attributs de ce mausolée étaient aussi simples que majestueux : sur un petit obélisque de granit couronnant son chevet, se lisait en lettres de bronze : Repos éternel de l’homme ; le spectre de la mort entrouvrait la pierre que semblaient retenir l’amour et l’hymen ; et on lisait sur cette pierre : Eternité, tu te développes, et c’est en Dieu que je te comprends.

Des cyprès et des saules pleureurs, en voilant ce tombeau de leurs ombres, y prêtaient encore plus de solennité. On eût dit que le balancement de leurs branches flexibles imitât le son des gémissements de ceux qui viendraient peut-être un jour pleurer sur cette tombe.

On reprit les routes du dédale, qui se confondaient si bien l’une dans l’autre que le sentier qui paraissait devoir dégager vous ramenait toujours au tombeau… Consolante image de notre déplorable existence, qui nous montre le terme où la méchanceté des hommes échouera contre la justice d’un Dieu qui nous arrache enfin à leur rage !